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Brice Chasles, DG de Deloitte Afrique : L’ampleur de la crise sanitaire en Afrique est pour le moment limitée

Brice Chasles, DG de Deloitte Afrique : L’ampleur de la crise sanitaire en Afrique est pour le moment limitée

Rédigé par Fayçal Abdelaziz / Entretien / lundi, 22 juin 2020 08:14

Brice Chasles est directeur général de Deloitte Afrique qui regroupe l’ensemble des activités de Deloitte en Afrique francophone (Audit, Consulting, Risk Advisory, Financial Advisory, Tax & Legal, BPS), représentant plus de 1.300 collaborateurs et 45 associés dans 19 pays (Afrique du Nord, Afrique de l’Ouest et Afrique centrale). Il est aussi membre du comité exécutif de Deloitte France. Auparavant, il était vice‐président et membre du conseil d’administration de Deloitte France (2010‐2018). Ayant plus de 30 ans d’expérience, dont 20 en conseil financier accomplis en France et aux Etats‐Unis, notamment dans les secteurs bancaire et assurances, M. Chasles a participé et dirigé plus de 400 projets de fusions et acquisitions dans plus de 40 pays.

L’ACTUEL : Quels sont les principaux objectifs de cette étude ?

Brice Chasles : L’étude Deloitte/ OpinionWay/35°Nord intitulée « Les opinions publiques africaines face à la crise de Covid-19 » est le premier sondage réalisé en Afrique sur la perception sanitaire, économique et sociale de la pandémie par les populations. En réalisant l’étude dans huit pays couvrant l’ensemble des régions du continent et en interrogeant des échantillons représentatifs des populations dans chaque pays, nous voulions obtenir une radiographie la plus précise possible des opinions des citoyens africains face à cette pandémie, notamment sur leurs perceptions des conséquences économiques et sociales de cette crise.

En effet, la spécificité du continent africain est d’avoir été d’abord touché par la crise économique avant la crise sanitaire, dont l’ampleur est pour le moment limitée.

À qui s'adresse particulièrement la présente étude ; ciblez-vous en particulier les dirigeants gouvernementaux ?

Cette étude s’adresse à l’ensemble des personnes concernées par les conséquences de cette crise en Afrique, évidemment les gouvernements mais également les autorités sanitaires, les acteurs économiques et, plus globalement, l’ensemble de la société civile.

Les différentes questions abordées dans cette étude concernent aussi bien l’adhésion aux gestes barrières que la confiance placée dans le gouvernement dans la gestion de la pandémie, et ce sont là effectivement des indicateurs intéressants pour les pouvoirs publics afin de savoir si leurs campagnes de communication pour prévenir et rassurer les populations sont adaptées et bien reçues par ces dernières.

Concernant les conséquences économiques et sociales de la crise, aussi bien les pouvoirs publics que le secteur privé sont concernés par ces résultats. Les chiffres de notre étude illustrent d’ailleurs une forte inquiétude qui renvoie aux projections du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale qui anticipent sur une récession en 2020 : entre -2,1% et -5,1% selon la Banque mondiale, - 1,6 % selon le FMI, la première récession depuis 25 ans, alors que l’Afrique avait peu subi les conséquences de la crise financière de 2008. A moins de 3% de croissance économique, l’Afrique créera de la pauvreté.

La confiance des ménages est un moteur important pour de nombreuses économies africaines, et leur vision de l’avenir est un indicateur indispensable pour appréhender la reprise économique dans les mois à venir. En tant qu’acteurs économiques opérant en Afrique, ces éléments sont importants pour la prise de décision concernant de futurs investissements dans les prochains mois.

Quelle lecture faites-vous des résultats de cette étude ?

Sur l’ensemble du continent africain, on peut dessiner trois grandes tendances avec les résultats de cette étude. En premier lieu, on constate que les niveaux d’inquiétude concernant la détérioration de leur situation professionnelle (53%) ou un affaiblissement de leur situation financière personnelle (54%) des citoyens africains sont analogues ou inférieurs aux moyennes en France et en Italie par exemple. Dans le cas de l’Algérie, seuls 45% des Algériens considèrent que leur activité professionnelle va se dégrader dans les prochains mois. Cela témoigne d’une certaine résistance et résilience algérienne et africaine, alimentées, notamment, par la réactivité de nombreux gouvernements qui ont su rapidement mettre en place des plans de soutien aux économies et d’accompagnement social des populations.

Dans un second temps, on note que des préoccupations spécifiques au continent africain ressortent. Ainsi, 54% des personnes interrogées redoutent une crise alimentaire et 84% redoutent une augmentation de la pauvreté. Il est important d’ailleurs de noter un décalage entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne sur le risque de pénurie alimentaire. Si on prend l’exemple de l’Algérie, seules 33% des personnes interrogées sont inquiètes contre 70% dans les pays d’Afrique subsaharienne du sondage.

Enfin, les gouvernements africains bénéficient en moyenne de taux de confiance plutôt élevés (81%), notamment ceux qui ont été très actifs en termes de communication aussi bien vers leurs partenaires internationaux qu’auprès des populations. À titre de comparaison, le gouvernement français n’est crédité que de 39% de confiance dans un sondage similaire contre 85% pour le gouvernement algérien.

En engageant directement le dialogue avec leurs citoyens, certains Etats africains ont réussi à ce que la pandémie soit prise en main à la fois par les gouvernants et les gouvernés. Cela transcende pour l’instant les clivages ou crispations politiques que l’on peut parfois observer sur le continent.

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