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Entretien avec Merabet Habib, fondateur d’Envirostep : « Nous avons un système qui peut révolutionner le secteur de l’assainissement dans les zones rurales »

Entretien avec Merabet Habib, fondateur d’Envirostep : « Nous avons un système qui peut révolutionner le secteur de l’assainissement dans les zones rurales »

Rédigé par Kheireddine Batache / Entretien / samedi, 13 février 2021 07:41

A l’échelle mondiale, 80% des eaux usées sont rejetées dans la nature alors qu’elles peuvent être traitées et exploitées pour faire face au manque d’eau dans plusieurs régions du monde. Envirostep, une entreprise algérienne, a trouvé le moyen de traiter ces eaux, de la manière la plus écologique possible et à moindres coûts, moyennant une technologie innovante qui permet leur réutilisation pour l’irrigation. Une façon de donner naissance au concept de l’économie circulaire en Algérie et en Afrique du Nord, selon son président et fondateur, Merabet Habib, qui nous dit tout sur le système révolutionnaire auquel il fait appel dans cet entretien exclusif.

Bonjour et merci de nous recevoir. Pouvez-vous vous présenter succinctement ainsi que votre entreprise à nos lecteurs ?

Merabet Habib : Je suis Merabet Habib, gérant et fondateur de la société Sarl Envirostep. Je suis ingénieur en génie civil, diplômé de l’Ecole spéciale des travaux publics et de l’Ecole nationale des ponts et chaussées, à Paris. Durant ma carrière professionnelle, j’ai travaillé pour le groupe Vinci pendant 12 ans, en qualité de directeur régional Maghreb. J’ai également été chez le groupe Alstom, pendant deux ans, où j’ai participé à la réalisation des infrastructures de tramway et de métro en Algérie, Tunisie et Maroc. Puis j’ai atterri chez un bureau d’études canadien, pour lequel j’ai développé des activités de travaux publics en Algérie.

Comme le hasard fait bien les choses dans la vie, c’est dans ce cadre-là qua j’ai fait la connaissance d’une petite entreprise de la même nationalité, du nom de DBO Expert, qui développait un système qui s’appelle Advanced Enviroseptic, rebaptisée Systemi0)), une technologie d’assainissement passive et autonome.

En 2017, en accord avec les Canadiens, j’ai créé en Algérie ma propre société, Sarl Envirostep, qui est devenue le représentant local exclusif dans le domaine du traitement des eaux usées suivant le concept évoqué auparavant.

Etant tourné quasi exclusivement vers la technologie européenne et plus particulièrement française pour de multiples raisons, il était, donc, difficile pour une société canadienne de se frayer un chemin en Algérie. C’est pourquoi nous avons fourni à DBO une assistance technique, logistique et opérationnelle, dans les années 2010, afin de l’aider à introduire ce procédé chez nous.

Quels sont les services que vous proposez à vos clients et qu’est-ce que le procédé System 0)) ?

System 0)) est un procédé de traitement des eaux usées domestiques destiné à des populations de 1 à 50.000 habitants. Il s’agit d’un procédé qui existe aux Etats-Unis depuis les années 1970. Inventé par les Américains, il a ensuite été développé par un Canadien du nom de Benoît Boucher, qui n’est autre que le président de DBO Expert International.

La valeur ajoutée de ce système réside dans son aptitude à travailler de manière totalement autonome, sans recours à l’énergie (ni pompe ni moteur), ni à des produits chimiques et encore moins à des outils ou à des pièces détachées. Silencieux et sans odeur, ce procédé biologique a aussi la particularité de reproduire ce qui existe dans la nature ! Je m’explique : il s’agit simplement d’une conduite en plastique recyclé, de 30 cm de diamètre, fabriquée en polyéthylène de haute densité, qui héberge et favorise la régénérescence des bactéries aérobies et anaérobies traitant les eaux usées. Ces dernières s’attaquent directement aux déchets qui s’accumulent dans l’eau et les neutralisent.

A la sortie de la fausse sceptique, nous obtenons une eau traitée à 30%. Celle-ci est acheminée, lors d’une deuxième phase, vers un regard qui distribue l’eau dans un réseau de conduites. Lorsqu’elle ressort, l’eau est traitée par la deuxième catégorie de bactéries, en l’occurrence les aérobies. Au final, l’eau est nettoyée à plus de 96%, ce qui permet sa réutilisation éventuelle pour l’irrigation. A noter que chaque conduite traite entre 100 et 120 litres d’eaux usées par jour. La particularité de ce système c’est qu’il ne produit pas de boue.

Nous avons mis sept ans à faire développer et homologuer ce système, en conduisant plusieurs projets, jusqu’à atteindre le nombre de 25 stations d’épuration qui fonctionnent suivant le procédé System 0)). Nous sommes également présents au Maroc (7 stations) et en Tunisie.

Envirostep existe depuis 2017 ; pouvez-vous revenir sur vos principales réalisations en Algérie ?

Envirostep est une société familiale de droit algérien. Nous avons un contrat de représentation exclusif mais nous ne monopolisons rien. Nous développons actuellement quelques partenariats avec des entreprises d’hydraulique, qui peuvent parfaitement devenir, à leur tour, représentantes de ce système.

En 2013, en partenariat avec DBO, nous avons lancé un projet à Beni Ourtilane (Sétif), une région montagneuse et très reculée, où nous avons mis en place une station d’épuration à titre gracieux au profit d’un centre dédié à l’accueil d’enfants atteints d’autisme, l’association Ibtissama, afin qu’il puisse ouvrir. C’étaient, donc, les grands débuts d’Envirostep en Algérie à travers notre partenaire canadien DBO Expert International et Benoit Boucher, son président, que nous remercions. A la suite de cela, un autre projet a été réalisé à Souk-Ahras, au niveau d’un village agricole, ainsi que deux contrats avec la Mutuelle générale des matériaux de construction (MGMC), à qui nous avons installé une station d’épuration dans un centre touristique situé dans la wilaya de Taref, ce qui lui a permis de reprendre du service après sept ans de fermeture. C’est comme ça que nous avons été approchés par le groupe Sonatrach, avec qui nous avons développé un certain nombre de projets au niveau des bases de vie situées dans des zones isolées, en l’occurrence à Khrechba, près de Aïn-Salah, et à Sali, Reggane, avec le groupement GRN Reggane.

Lorsque la Sarl Envirostep a pris le relais en 2017, nous avons franchi un cap, notamment à travers un partenariat avec Naftal, relatif à l’installation de systèmes d’épuration pour des stations-services sur l’autoroute Est-Ouest, comme ce fut le cas dans la wilaya de Blida, stations Tamezguida Nord et Sud. Notons que le délai de réalisation d’un tel équipement n’excède pas un mois ou un mois et demi, dans les situations les plus extrêmes.

Le secteur de l’eau vit actuellement l’une de ses plus graves crises à cause du stress hydrique et du manque de ressources ; pensez-vous que le traitement des eaux usées peut constituer, en partie, une solution à ce problème, notamment dans les régions isolées ou pauvres en infrastructures ?

Absolument ! Notre système est justement adapté à ce types de régions qu’on appelle les zones d’ombre, d’autant plus qu’il ne génère pas de frais de mise en marche ou d’entretien. L’autre avantage, c’est que l’eau est systématiquement restituée à la population locale, qui pourra l’utiliser dans l’irrigation des terres agricoles, moyennant certaines précautions bien sûr.

Avez-vous été approchés par le ministère des Ressources en eau et le ministère de l’Environnement dans le cadre de votre développement ?

En effet, nous avons été contactés par la tutelle de l’Eau, qui nous a conviés à prendre part à un déplacement à des évènements à venir, pour y faire une présentation de notre système dans des zones défavorisées. En juillet dernier, nous avons discuté avec le ministre, Arezki Berraki, qui nous a sollicités pour un partenariat avec l’Office national de l’assainissement (Ona). La contrepartie qu’on nous demande, c’est de fabriquer les conduites localement, chose qui est tout à fait possible, à condition que des marchés existent.

Par ailleurs, je tiens à signaler qu’une étude réalisée récemment a démontré qu’il était possible de diviser par quinze le budget alloué par l’Etat aux investissements initiaux dans l’assainissement. Notre solution est, donc, synonyme d’économie dans l'investissement initial des infrastructures dédiées. Notre meilleur atout ce sont tous les projets pilotes que nous avons conduits jusqu’à maintenant. L’objectif que nous nous sommes fixé c’est de permettre à l’Algérie d’être leader dans ce domaine, c’est-à-dire le système d’assainissement le moins cher, avec une maintenance dérisoire voire inexistante, durable (30 ans et plus de durée de vie) et le plus écologique qui existe au monde.

Ce système peut-il constituer une solution au traitement des eaux usées dans les implantations anarchiques d’habitations, où il n’existe pas de réseaux d’assainissement ?

Tout à fait ! Les collectivités locales peuvent en tirer avantage. Car, en plus de résoudre ce problème, ça constitue une solution autonome pour les promoteurs immobiliers qui ne peuvent pas se brancher sur le réseau d’assainissement des eaux usées. C’est ce que nous venons de faire à Skikda, dans le cadre d’un projet de construction d’immeubles et de villas.

Tout l’enjeu c’est de réussir à fabriquer localement nos conduites, afin de raccourcir la chaîne de valeurs et supprimer les frais relatifs à l’importation de ce matériel, et on y arrive doucement mais sûrement. Cela nous permettra de diviser par deux le prix des installations, en sachant que nous sommes 20 à 30% moins cher que n’importe quel autre système, à performance équivalente, sans compter la maintenance !

Justement, avez-vous pensé à déposer un dossier chez qui de droit, en l’occurrence le ministère de l’Industrie, pour entamer la fabrication des conduites en Algérie ?

Nous préparons actuellement un dossier qui sera transmis à l’Agence nationale de développement de l’investissement (Andi), afin d’obtenir un terrain, pour commencer à faire de l’intégration. Nos partenaires canadiens sont prêts à se lancer dans l’aventure. A nous de créer les conditions pour qu’ils viennent développer cette technologie en terre algérienne.

En parallèle, nous formons d’autres entreprises pour constituer une communauté dans le domaine du traitement passif et autonome. Nous avons des représentants dans plusieurs wilayas, notamment à Oran, Hassi Messaoud, Skikda, Annaba, Timimoune, Ghardaïa, où nous avons beaucoup d’activités. Nous opérons beaucoup dans les régions du Sud également.

Que doivent les autorités publiques pour développer ce segment ?

Les autorités sont à l’écoute de nos besoins. La seule problématique qui se pose à nous réside dans le code des marchés publics qui gagnerait sûrement à être revu et optimisé, de manière à permettre l’éclosion d’un tissu de petites et moyennes entreprises, susceptible de créer tout un écosystème pour la promotion de ce segment d’activité.

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