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Conséquence de la pandémie : Vers une saison touristique blanche au Maghreb ?

Conséquence de la pandémie : Vers une saison touristique blanche au Maghreb ?

Rédigé par Kheireddine Batache / Actualités / mercredi, 29 juillet 2020 09:10

Inattendu. Peut-on encore croire en une saison touristique 2020 dans les pays du Maghreb ? Le dilemme Covid-19 versus tourisme semble vouloir nous en dissuader cette année. Une étude de l’Onu estime entre 1.200 et 3.300 milliards de dollars les coûts directs et indirects liés au confinement pour 65 pays.

Alors que l’été a déjà en partie plié bagages, la fermeture des espaces aériens, les prévisions toujours plus alarmistes de l’OMS et les suspicions d’une « deuxième vague de contaminations » imminente laissent planer un sérieux doute quant à la viabilité d’un éventuel « plan de sauvetage » de l’industrie touristique et hôtelière au niveau du petit Maghreb. État des lieux des dernières évolutions en la matière avec L’ACTUEL International.

Les nombreuses plages au sable d’or du sud de la Méditerranée, peu habituées au calme en période de mi-saison estivale, sont presque désertes. En Algérie, Tunisie et Maroc, l’on arrive aisément à comprendre que la Covid-19 est bien passé par là, rien qu’à voir la mine déconfite que font les professionnels de l’industrie touristique ! Et pour cause, les touristes ne se bousculent pas. Les ressortissants issus de la diaspora, qui d’habitude se disputent ardemment les derniers billets d’avion et de bateau proposés à la vente à des prix forts, sont également absents du décor. Du jamais vu !

Algérie

Dans ce contexte, l’Algérie est la moins impactée parmi ses voisins. Non pas qu’elle s’en sort mieux en matière de lutte contre la propagation de la pandémie mortelle, mais plutôt parce que les revenus liés au secteur touristique ne revêtent pas un caractère « capital » pour l’économie nationale, en comparaison avec la Tunisie et le Maroc.

La décision prise en toute fin juin par le président de la République, Abdelamdjid Tebboune, de maintenir les frontières fermées pour une certaine période s’est heurtée à un retour d’ascenseur du côté européen, où plusieurs pays relevant de l’espace Schengen ont dû retirer l’Algérie de la liste des pays dont les ressortissants sont autorisés à fouler leur territoire.

Cela a eu pour effet d’entamer sérieusement les espoirs des professionnels du secteur touristique, notamment les agences. Dans une vaine tentative d’anticipation de cette quasi « catastrophe », le Syndicat national des agences de tourisme et de voyages (Snav) avait appelé très tôt à l’adoption d’un plan national de sauvetage du secteur, paralysé du fait de la propagation de la pandémie de Covid-19 et ce, à travers l’application d’exonérations fiscales et bancaires et la création d’un fonds de garantie pour aider les agences impactées par les crises.

Une aubaine pour le tourisme national ?

A cette situation, s’ajoute le blocage des ressources et des outils de production du secteur, suite à la mobilisation ou réquisition de bon nombre d’établissements hôteliers et complexes de villégiature, publics et privés, à des fins de « mises en quarantaine »des nombreux ressortissants rapatriés avant l’interruption du trafic aérien et maritime ou des personnels médicaux, qui sont en première ligne depuis plusieurs mois pour combattre la maladie.

D’aucuns diront alors qu’une occasion de relancer l’épineux dossier du tourisme local se présente ! La chaîne hôtelière privée AZ Hôtels a été la première à se lancer dans le bain, en annonçant au mois de juin la réouverture de ses établissements (mobilisés également durant plus de deux mois). Un pari plutôt audacieux, compte tenu des données actuelles. Mais c’est sans compter sur la recrudescence enregistrée depuis quelques semaines au niveau des cas de contamination à la Covid-19, notamment dans certaines wilayas du sud du pays, jusque-là épargnées. Ce qui a pour effet de dissuader beaucoup d’estivants à entreprendre un quelconque projet de vacances, notamment à la suite d’une série de mesures de confinement territorial et de restrictions à la circulation, prises début juillet par les pouvoirs publics dans plusieurs wilayas du littoral, à l’image de Tipasa et Taref.

Tunisie

En Tunisie, le constat est plus dramatique. Ce « Petit poucet » du Maghreb et géant du secteur redoute tout particulièrement le spectre d’une saison blanche. Etant en quelque sorte son « gagne-pain », la Tunisie a commencé très tôt à prendre des mesures en faveur de la relance rapide du tourisme, notamment à destination des deux millions d’Algériens qui traversent chaque année la frontière pour envahir plages et complexes voisins.

Une manne financière estimée importante, représentant une bonne partie des revenus globaux engrangés par la Tunisie. En octobre 2019, le pays avait dépassé la barre des 7 millions de visiteurs. Ses rentrées d’argent générées par le tourisme avaient enregistré une hausse de 42,5% et atteignaient les 4,4 milliards de dollars à cette période de l’année.

La Tunisie veut y croire ! Fin mai, un protocole sanitaire anti-Covid-19 est proposé par l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) ; ce manuel souligne l’impératif de ne pas dépasser les 50% de la capacité maximale d’accueil de clients dans les hôtels, les restaurants, les salles de séminaires et de congrès, et dans les véhicules de transport touristique. Il note, aussi, que la température de tous les clients sera contrôlée, les bagages désinfectés à l’arrivée à l’hôtel, ainsi que l’obligation de procéder au nettoyage de chaque chambre durant trois heures avant la remise des clés au client.

Le protocole exige, aussi, le port du masque pour le personnel hôtelier et les touristes à l’intérieur des véhicules de transport touristique. Enfin, la distanciation physique a été fixée à 1 mètre dans les espaces publics, les espaces communs de l’établissement touristique et dans les véhicules de transport touristique, et à 2,5 mètres entre les tables dans les restaurants, bars et cafés.

Pour la première fois, donc, depuis presque quatre mois, des vols commerciaux – venant en majorité d’Europe – ont commencé à atterrir samedi 27 juin en Tunisie. Au total, 129 pays ont, désormais, accès à ses frontières. Neuf vols étaient ainsi programmés, la majorité venant de France et d’Italie, a indiqué le ministère tunisien des Transports. S’agissant du cas Algérie, les Tunisiens ont annoncé être prêts à recevoir leurs voisins de l’Ouest. C’est ce qu’a affirmé le ministre tunisien de la Santé, Abdellatif Mekki, dans un entretien accordé, vendredi 3 juillet, à la chaîne France 24.

L’entrée des touristes algériens en Tunisie ne tient plus qu’à l’ouverture des frontières de l’Algérie. Du côté tunisien, tout semble être mis en oeuvre pour accueillir les touristes algériens dans les meilleures conditions possibles, notamment un « protocole mis en place et qui dépend des règles sanitaires, dont les détails seront discutés entre voisins et frères », a précisé le ministre.

A noter, enfin, que le pays se prépare malgré tout à poursuivre ses efforts en matière de relance du secteur, avec le lancement de plusieurs projets ambitieux, dont une grande cité sportive à Zaghouan, à l’instar de Clairefontaine en France ou Aspire au Qatar, un port de croisière à Mahdia, un parc Disneyland qu’il désigne sous le nom de Africa Disney et un port de plaisance haut de gamme dans l’une des îles désertes de la Tunisie, comme La Galite, a annoncé le ministre tunisien du Tourisme, Mohamed Ali Toumi, lors d’une récente audition par les députés de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) sur la situation de son secteur dans le contexte actuel marqué par l’épidémie de coronavirus.

Maroc

Le Maroc, l’autre ténor du tourisme en Méditerranée, se trouve, lui aussi, dans de sales draps ! Selon un rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), le Maroc est classé 7e pays le plus touché par la crise de covid-19 en ce qui concerne son industrie touristique. L’institution onusienne prévoit une variation négative de 5% du PIB marocain relié au tourisme dans le cas d’un scénario modéré.

Du côté de la Confédération nationale du tourisme (CNT), l’on estimait au mois de mars dernier que l’impact de la crise causera une perte sèche des arrivées de l’ordre de 34,10 milliards de dirhams (environ 3,5 milliards de dollars) en chiffres d’affaires touristique et de 14 milliards de dirhams (environ 1,4 milliard de dollars) par rapport à l’hôtellerie.

S’exprimant au Parlement marocain le 9 juin dernier, la ministre de tutelle, Nadia Alaoui, a confirmé la baisse, de l’ordre de 45%, du nombre des touristes étrangers, au cours des quatre premiers mois de l’année en cours, par rapport à la même période de l’année précédente, tandis que le nombre des nuitées a diminué de 42% et que les recettes du secteur ont baissé de 15%.

Cette situation a amené nombre d’opérateurs du secteur à poser cette lancinante question : comment surmonter cette situation qui a touché un secteur vital de l'économie nationale ? L'alternative réside-t-elle-comme pour l’Algérie-dans le tourisme intérieur ?

Telle une bouée de sauvetage, le gouvernement marocain tente de se raccrocher à l’espoir d’un démarrage du tourisme local, sur lequel l’Office national marocain du tourisme (ONMT) joue son va-tout. Ainsi est né le réflexe « Choose Morocco » ou « Choisir le Maroc ». Mais nombre d’activistes estiment que la question nécessite aussi bien la révision des prix élevés que l’amélioration des prestations et services.

« Au revoir », le slogan de la campagne promotionnelle, a été lancé par le ministère marocain du Tourisme tout au long de la période de confinement pour présenter quelques destinations touristiques intérieures.

Selon les données fournies par le ministère du Tourisme, le Maroc a accueilli en 2019, 13 millions de touristes, soit une augmentation de 5% par rapport à l’année 2018, et une croissance de 5% en termes de nuitées, pour atteindre plus de 25 millions de nuitées l'an dernier. Le secteur touristique a réalisé des recettes de l’ordre de 78 milliards de dirhams (8 milliards de dollars).

Des chiffres qui semblent, désormais, correspondre davantage à un récit féerique qu’à la réalité du tourisme post-Covid-19, dont la pandémie est en train de redessiner les contours.